Éric Perrot : « Ça ne respecte pas ma vision du sport de haut niveau »

Éric Perrot est longuement revenu pour Biathlon Live sur le nouveau système de départ imposé par l’IBU pour la prochaine saison de coupe du monde. Le Savoyard est contre cette réforme.

Éric Perrot dit non à l’IBU

Quelques jours avant l’ouverture de son 16e Congrès à Belgrade (Serbie), l’IBU officialisait un changement important pour l’hiver à venir. Dès l’ouverture de la coupe du monde à Kontiolahti, un nouveau système de groupes de départ sera mis en place pour les sprints et les individuels. Les quinze premiers mondiaux ne pourront plus partir dans le premier groupe comme c’était le cas habituellement et devront désormais s’élancer entre les dossards 46 et 75.

Une petite révolution orchestrée par l’instance internationale de biathlon pour faire grimper les audiences de son sport en faisant durer le suspense le plus longtemps possible. Une décision qui est loin de faire l’unanimité dans la caravane de la coupe du monde, et notamment auprès des athlètes. Ils sont d’ailleurs une centaine à avoir signé une lettre destinée à l’IBU pour montrer leur opposition face à cette réforme. En vain.

Un nouveau système qui n’est pas basé sur le mérite sportif

“L’idée ne me plaît pas, nous avoue-t-il. Je trouve que ce n’est pas une bonne idée tout simplement parce que ça ne respecte pas l’éthique, les valeurs que j’ai dans le sport. Il y a quelque chose qui a toujours été comme base dans le sport de haut niveau. Quand on arrive dans le sport de haut niveau on attaque en bas, comme par exemple ce qu’il s’est passé pour moi. Quand tu débarques en coupe du monde, tu commences par les derniers groupes et puis, petit à petit, tu montes. Au début tu n’as pas trop de chance de jouer devant, déjà ton niveau n’est pas très élevé et puis les groupes ne te le permettent pas parfois selon les conditions. Tu montes petit à petit et les dernières années tu te retrouves dans les groupes 1 et 2 et tu peux aller jouer les victoires. Déjà, parce que ton niveau a augmenté entre-temps et que tu as des conditions plus favorables. Tu peux jouer tes rêves, jouer réellement des médailles. Pour moi c’est le système qui est basé sur le mérite. Plus ça va, plus tu gagnes et plus tu peux avoir des chances de gagner. C’est la base selon moi dans le sport de haut niveau et je trouve que ça ne respecte plus ça.

En tant qu’athlète on ne peut pas voir tous les intérêts qu’il y a derrière une telle réforme. J’aurais aussi accepté que l’IBU voit plus grand, voit aussi d’autres contraintes, qu’ils sont sous pression de la part des médias et qu’ils ont du boulot à faire de ce côté-là. En tant qu’athlète je me dois de respecter ça et de comprendre. Mais je reste quand même sur ma première idée que ça ne respecte pas ma vision du sport de haut niveau.”

Ses craintes

“J’ai un petit peu peur que les meilleurs ne puissent peut-être pas gagner autant qu’ils devraient. On est dans un sport où l’environnement influe quand même beaucoup et j’ai peur que les conditions peuvent influencer les meilleurs. Une fois qu’on a gagné nos places pour avoir une chance de jouer les médailles, on se fasse un peu avoir par rapport à certaines conditions sur certaines journées. Imaginons un jour j’arrive en étant numéro un mondial, je me présente pour les championnats du monde ou pour les JO et puis il y a des mauvaises conditions. Je pars à l’arrière et donc je ne peux pas gagner alors que sur le papier j’avais toutes les chances pour. Souhaitant être à ce niveau-là, c’est un peu ce genre de situation qui me fait un petit peu peur.”

Un dialogue de sourd avec l’IBU

“L’IBU ne nous a pas trop écoutés. On a essayé de faire plusieurs propositions pour leur expliquer déjà que les meilleurs doivent partir plutôt ensemble. Là ils sont quand même un petit peu espacés. Aussi le fait qu’ils doivent partir devant, mais bon, ça on sait que ça n’a pas du tout été validé. Pour nous encore une fois c’était pour faire respecter que les meilleurs athlètes partent dans des conditions leur permettant de gagner des courses et pourquoi ils devraient partir dans ces conditions-là : parce qu’ils ont gagné leur place au fur et à mesure du temps, comme chaque athlète a l’opportunité.

Là où les athlètes ne se sentent pas trop respectés, moi y compris, c’est qu’il y a eu beaucoup d’interventions de la part des athlètes, des équipes. Pour notre part on a fait plusieurs propositions et au final il n’y a aucune idée qui a évolué, aucune idée qui a changé, tout a été refusé. On a l’impression d’avoir été écouté sur le coup, mais qu’au final rien n’a été retenu. L’impression qu’on a fait semblant de nous écouter, il n’y a clairement pas eu d’amélioration, de variation dans notre sens. On a l’impression que c’est juste écouter les athlètes histoire de dire. Dans les faits, il n’y a pas eu de changements, je ne me sens pas trop respecté en tant qu’athlète là-dessus.

J’étais signataire et engagé contre le projet, contre la première version qui a finalement été approuvée. On partage globalement tous le même avis dans l’équipe (de France, ndlr). Je pense que même si on n’est pas tous leaders mondiaux, on a tous l’ambition de l’être. On se sent tous plus ou moins concerné par ça. On veut tous être dans le top mondial, on sait que ça risque de nous concerner, même les plus jeunes qui arrivent et qui ne sont pas encore dans le top 15. Ils savent que ça va les concerner un jour.”

La maladresse de l’augmentation des primes

“C’est dur d’y voir beaucoup de positif même si pour les médias ont peut en voir. Les médias apportent de l’argent qui nous est “redistribué”. On ne peut pas se plaindre de tout. Mais on voit que l’IBU a augmenté des primes à droite à gauche, mais pour ma part ce n’est pas du tout ce qui m’intéresse. Je préfère un sport juste et un sport qui permet de gagner des titres plutôt qu’un sport où on nous arrose d’argent pour nous faire acquiescer le projet. De mon côté ça ne m’intéresse pas trop ce qu’ils ont mis en place. Pour les médias tant mieux si on peut faire monter les audiences. Mais encore une fois, je reste sur ma faim.”

Crédits

Crédit photo : Manzoni/NordicFocus

Référence : Biathlon Live

Jérôme V.

Jérôme Vapillon est co-fondateur de CLEATIS, une agence lyonnaise spécialisée dans le digital qui a récemment lancé le site https://www.archersdevichy.fr/, destiné à devenir une référence dans le domaine du tir à l'arc et d'autres sports de précision. Passionné par les sports de tir depuis son enfance, Jérôme a su allier sa passion à son expertise professionnelle pour créer une plateforme qui sert à la fois de source d'information et de communauté pour les amateurs et professionnels du tir à l'arc. Avant de se lancer dans l'aventure CLEATIS, Jérôme a accumulé une riche expérience dans le marketing digital et la gestion de projet, ce qui lui a permis de développer une approche stratégique et créative dans le lancement de projets numériques. Fan inconditionnel de tir à l'arc, il pratique ce sport occasionnellement, participant à des compétitions locales, et partage son expérience et ses conseils à travers diverses publications sur le site.